Ragots & bobards en direct de la Tortue

Plus loin dans la foule, le gros François, boulanger du lieu est en grande discussion avec Dominique, tonnelier de son état et récemment arrivé à la Tortue…

« -Tudieu Dominique ! Un duel ! Un vrai ! Il n’estoit pas possbile de rater pareil évènement !

- Mais gros François, les deux corsaires n’auroient pas d’intérest à se battre, il pourroient se quitter bons amis.

- Dame ! Tu ne connois pas ces gens-là ! Ce seroient des escumeurs des mers ! Cruel et impitoyable, ils vont se battre car c’est un point d’honneur. »

Cédric le Berrichon, clerc de notaire, se joint à la conversation

« - François, pauvre ignorant, notre majesté Louis luy mesme a interdit les duels !

-Qui appelle tu ignorant ? Je connois l’Amérique depuis bien longtemps et les Lois Françoise ont bien moins cours ici qu’en Europe. Ils se battront car tel est leur bon plaisir. »

Le petit groupe se dirige vers le débit de boisson le plus proche pour continuer leur débat animé…

Le gouverneur ayant l'esgourde alerte, se tourna brièvement vers Mc Donald, se contentant de le fusiller du regard.

La chose n'échappant à Jacob (le maître du scotteux), ce dernier plaça du coude une bonne bourrade dans les côtes de son capitaine...tout en lui glissant à l'oreille d'un ton ferme:

"Tudieu cap'tain!..N'tenez vous pas à vot' bonne commission. C'te pas chez l'anglois qu'z'allez en dégotter une!...N'racontez point d'sornettes! C'est l'breton qu'à porter l'feu su'l'batave!....pas l'inverse. Et c'batave, ben c'est rin qu'l'gouverneur qu'l'en est l'armateur!....Pis ce qu j'sache y'a pas d'chagrin entre les pavillons d'France et d'Angletterre...espérons qu'au moins l'batave ne z'ez point ententu lui crier la mort...Fichtre idée que d'jeûner d'si bon matin!"

....

Pour l'heure, dans le salon Kradoc'h et van de Güe se faisaient toujours face, dans l'attente que l'autre décoche le premier mot ou de crainte de se faire cueuillir si l'eut été maladroitement placé...

Allons messieurs!?..s'agace ostensiblement le gouverneur de la Place..N'allez vous donc point vous prononcer? Tenteriez vous donc de tous ici-présents nous faire mourir de soif et d'escarres aux pieds?

Jacob lui tend soudain une petite bouteille de rhum…….  « Un bon litre devrait suffir…. »

Quelque minute plus tard : « Nom d’un dieu ! »

Le bon Logan a semblé entendre quelques trucs à propos du gouverneur et dit a son maître….  « C’serait la Betrave qu’aurait tapé le premier…. ? Hum soit. Mais ça reste un gens Anglais ! z’ont pas d’honneur ces gens-là, croyez moi !
N’osera tout de même pas retirer ma commission….  »

"Après tout, un bon duel sur une barcasse avec un pierrier et le sabre pour seul armement...qu'on y prenne plaisir au moins nous autre!"

Il s'inclina discrètement, lorsque le gouverneur lui fit à nouveau face...et dit assez fort, mais toujours discret: " A votre service, mon bon seigneur...."

Ordonc, mes bons amis!

Laissez-nous vous montrer placard qui fut clou-fichée sur la porte du feu marquis de Fontenelle, homme certes au passé douteux, mais au demeurant en plein repenti, habitant sur l'île qu'il plut à Dieu et à notre bon Roy de nous confier la gouvernance, de par la volonté du sire du Rausset... Et de ce fayct, oultre qu'il soit de nos gens, le marquis estoit bonnement sujet du Roy!

Nous lisons:

Dear Sir,

Nous avâmes la great plaisure de vous infourmer que le sir of Fontenelle, après quelques mouchantes paroles, s'est retrouvé in our hands, accompogné with deux personnes que ce sont ses servants. Nous savâmes ready rendre lui in one piece contre amount de 10 000 pieces of eight....accompogné de ses paurteurs.

Rendez-vous à l'ile Crooked anchored by Salima Point.  Une esquif loaded du la somme manned  with enseigne full beue en vue de Fish Cay serâtes reconnisable de fair deal.

Captain Greenbeard


Voilà donc, Messires, l'irréfutable preuve que Monsieur Van de Güe et les diables bataves de la Morue nous prirent à rançon nos gens! Comment ce capitaine peut il sans honte prétendre avoir connaissance du lieu où on nous tendait embuscade et du prix que ce fameux Captain Greenbeard nous mandait à bailler pour la délivrance du marquis -qu'il assassina!- si ce n'est en ayant rédigé cette pustulante missive!

Nous sommes gouverneur et ne pouvions tolérer pareille forfanterie!

Nous aurions pu réduire le Kouign de la Morue, si nous en avions volonté, ains nous le laissâmes filer, content de la fessée que nous lui portâmes, à bons coups de boulets tirés par nos précieux canonniers.

Ce dyct, notre bon droyct haut tenu, il ne nous est pas coutume de nous en prendre aux sujets du Roy et de nuir àla Couronne. Aussi, si l'homme prend pavillon françois, au nom du Roy, et pour le bien commun, nous accèderons à la sage et raisonnable demande du sir Deschamp de la Place, et nous tendrons la main.

Si, par contre, le Batave refuse ce choix, alors, un duel à sang, il y aura.

Mes bons compagnons!

Chacun pourra constater que le document présenté par Kradoch est un faux!

Fier de nos origines bataves, nous ne parlons pas ce salmigondis à base de langue anglaise!

Ayant moultes fois tendu la main à Kradoch (rappelez vous notre réunion sur son ile, durant laquelle je l'avais cordialement invité sur mon fier navire...invitation qu'il refusa vertement et avec dedain!!)

Il ne me reste plus qu'à châtier ce paltoquet!

En tant qu'offensé, j'ai donc le choix des armes!

Je choisis donc le traditionnel combat à la morue, célébre dans les Provinces Unies et de par le monde!:pirat:

Parbleu, que de surprenantes façons de vous dérober!

Asçachez, Monsieur, que de morue, nous ne prenons qu'avec pain, beurre et couteau pour manger avec, et ce les jours saincts, comme est coutume en vraie terre chrétienne!

Dites-nous plutôt si, de Frehance, vous prétendez avoir assez d'honneur pour en porter blanc pavillon!

Quant à qui est l'offensé, Monsieur de Güe, laissons à la foule qui nous entoure d'en juger, et à Monsieur Deschamp de la Place de trancher!

Pour rappel, s'il y a duel, icelui en a jà donner la façon:

Le duel s'ouvrira sur un coup de pistolet à 20 pas de distance, s'ensuivant si nécessaire de passes d'escrime jusqu'au premier sang.

Cadouan d'Armor vêtue d'un nouveau costume aux couleurs d'argent et d'une perruque blanche d'un très mauvais goût, fume la pipe. Il semble bien embrumé. Il toussote un peu, secoue ses mains pour chasser la fumée devant lui et prend alors la parole, en compulsant ou faisant semblant de compulser un manuscrit.

Ainsi donc messieurs, nous voilà devant une situation simple et confuse à la fois. Soit vous écoutez notre grâce le gouverneur et vous vous serrez la pince...

Cadouan se tourne vers lui en lui faisant une révérence peu élégante due à son handicap.

...soit vous nous honorez d'un bon duel et vous croisez le fer.

Par contre, permettez moi de comprendre un élément. Comment ces gens ont il pu se retrouver dans une chaloupe et comment avez vous convenue du rendez vous pour les échanger ? Puisque manifestement, vous les avez "trouvez" en mer, et que vous n'avez pas atteint la terre pour les rendre à un port françois.

Comme vous le savez, j'étais capitaine avant, et j'en connais aussi des petites affaires. Et de mon avis personnel, il y a quelque chose de bien sombre la dedans. Si je demande à ce qu'on inspecte vos navires, histoire de connaitre la vérité, êtes vous sur qu'il ne serait pas préférable pour tous que non seulement vous vous sériez la main et on oublie tout, mais aussi que ce deux Gueux signe la commission de notre gouverneur.

Monsieur Deschamp de la Place, vous nous comblez de joie!

Nous ne craignons point le ladre, et raserons de fort près la bien trop verte barbe qui  pousse au menton de ce gredin malfaisant!

Arnaud, mon bon, je te prie! 

De la morue, du pain, du beurre, et mon sabre pour le manger avec!

Alors que le soleil descend sur l'horizon, au détour d'une rue, se hâte le gros François. Il a mis ses habits du dimanche. Il transpire à grosse goutte et se hâte vers le fort de la Roche

Une lavandière l'interpelle :

" - Hé là Gros François ! C'est quoi cet empressement ? Tu t'estoi fait tout beau ma parole ?
- Dame ! Fait place ! Tel que tu me vois je serois au fort de la Roche ce soir, par ma foi, ce que je vais y voir va marquer le siècle !
- Qu'est ce donc ? Notre bon roy Louis seroit en visite chez nous ?
- Bien mieux ! Le duel, le grand duel des deux escumeurs des mers ! Ho je l'avais bien dit qu'ils alloient se battre, il avait raison le gros François. Et je vais en estre témoin, oui madame, au nom des bon boustiquiers de nostre isle !
- Mazette gros François, c'estoi bien le duel dont tout le monde parle ? La morue battave constre le breton ?
- Eux mesme ! Je rasconteroi tout a la taverne dès ce soir, et demain pas de pain, c'est jour férié pour le gros François  !

Le boulanger courtaud et transpirant gravit aussi vite qu'il le pouvait la côte qui mène à la forteresse.

Oez! Oyez braves gens!

Les enfançons du groupe scolaire de Sainte Marie des Victoires a composé une chansonnette à l'occasion du duelle.

Dans le port d'la Tortue
Y'a l'Kradoc'h qui danse
En se frottant la panse
Sur la panse d'un vendu


Les deux tournent et ils dansent
Comme des soleils crachés
Dans le son déchiré
D'un accordéon rance


Ils se tordent le cou
Pour mieux s'entendre rire
Jusqu'à ce que tout à coup
L'accordéon expire


Alors le geste grave
Alors le regard fière
Il ramène ce batave
Le nez dans la poussière


Dans le port d'la Tortue...

Dans le port d'la Tortue...
Dans le port d'la Tortue,
Ca sent plus la Morue!

Eh! L'Gros François! T'as pas vu?

L'sieur Van d'Güe, au duel, l'est pas v'nu!
Y en a des iceulx qui disent: i'sait fait dessus!
D'aut' qui disent: i' cherche, mais qu'ça vient pas, rapport au nœud qu'il a à lui serrer les tripes et l'essieu. Plus rien qui sort, ni d'vant, ni derrière, pas même ses vents.
Moi je dis: çui-ci, tout encarapaté il est avec la carte de la Tortue du vieux Rausset (paix à son esprit)  pour y chercher quelque lieu d'aisance où que personne pas même Saint Christophe (paix à son âme), ou mieux; le Saint Yves du Capitaine Kradoc'h (la gloire sur lui!) i' peut regardé pour en mieux faire sortir la grand' peur qu'il a en dedans en fiente pas belle.
Nous tout priver d'un beau duel, quand même, c'est doubler la couardise du Batave d'un seau de fétide cruauté que j'y mettrai pas le nez en dedans quand elle sera sortie toute môle d'ses entrailles.