Ragots & bobards en direct de la Tortue
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FLUSH
Friedrich
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Ragots & bobards en direct de la Tortue
Ven Juin 03 2016, 23:01
LLa Tortue, Quartier de Cayonne, une taverne sans nom mais dont la réputation l’en dispense largement...
Contact: Maître Friedrich
Jean Mangeonjean dit « de Mehon », bâtard faisant autrefois office de garde-chasse aux alentours de sa Lunéville natale. Propriétaire des lieux sous le sobriquet de « maître Friedrich », il est passé aux Amériques pour fuir l’occupation françoise. Engagé puis boucanier il s’est finalement fait un nom grâce sa célèbre choucroute de tabac frais aux écailles de tortue servie sur son lit de cuir bouilli. D’aucun disent qu’elle fait sauter plus de dents que le scorbut et tanne l’estomac mieux que deux lunes passées en mer.
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Sam Juin 04 2016, 00:10
Fort de la Roche, Janvier 1660,
Le gouverneur Du Rausset venait d’émettre sa première commission de l’année, au nom du Capitaine Le Marquis, avec qui il fit agréable commerce de verbiage sinon de s’enquérir du pourquoi, et du qui , choses qu’en ces lieux on se contrefiche éhontément! Entre huguenot l’entente fut cordiale, mais l’empressement du nouveau venu la planta là sans embage.
Malgré les conseils avisés du gouverneur, le Nantais, par ailleurs habile négociateur, sembla s’entêter à acquérir le navire du plus fort tonnage qu’il put trouver. La chose qui fut faîte en la matière d’un senaut de prise en passe de s’envaser au fond du port, et que le gouverneur fut néanmoins fort satisfait d’enfin céder, bien qu’à vil prix.
La confiance que le Marquis avait inspirée au gouverneur ne sembla pourtant pas partagée dans les tavernes où les hommes se montrèrent réticents à embarquer sur pareil marchand, fut-il armé à la course ; si bien qu’à la fin du mois le senaut du Marquis appareilla armé du peu de 20 hommes d’équipages.
Le Marquis avait à peine passé l’horizon, qu’un sloop jamaïcain portant l’hermine au pavillon et fatras sur le pont, vint à mouiller à son tour. L’équipage qui s’en déversa beuglant la gouaille angloise ne passa pas inaperçu, pas plus que son capitaine, un dénommé Kradush, Kradoc’h ou Krazooch, claudiquant autant qu’échangeant à la cantonade quelque jurons de bas-breton.
Du Rausset qui ne perdait pas de vue que la prospérité de sa colonie n’était autre que proportionnel au nombre des commissions qu’il émettrait, le reçu pourtant au fort de la Roche, lorgnant par l’oblique les colifichets catholiques émergeant de l’accoutrement du quémandeur.
L’entretien fut bref, la commission remise, et l’espoir grand du gouverneur de voir l’énergumène rapidement quitter l’île. De fait, l’homme était venu les poches percées, parcourant les quartiers de la Tortue à la recherche de fortune à emprunter bien plus qu’à dépenser. Au moins son équipage audiblement porté sur la gigue, agrémentait-il avantageusement l’ambiance des tavernes.
Le breton fit choux blanc à la Basse Terre, tout autant qu’à Cayonne et à la pointe du Maçon, mais parvint néanmoins à dénicher au Ringot en la personne d’Amédée Ôte-cloche, un individu disposé à investir dans son entreprise de lèse-espaigne.
Le gouverneur Du Rausset venait d’émettre sa première commission de l’année, au nom du Capitaine Le Marquis, avec qui il fit agréable commerce de verbiage sinon de s’enquérir du pourquoi, et du qui , choses qu’en ces lieux on se contrefiche éhontément! Entre huguenot l’entente fut cordiale, mais l’empressement du nouveau venu la planta là sans embage.
Malgré les conseils avisés du gouverneur, le Nantais, par ailleurs habile négociateur, sembla s’entêter à acquérir le navire du plus fort tonnage qu’il put trouver. La chose qui fut faîte en la matière d’un senaut de prise en passe de s’envaser au fond du port, et que le gouverneur fut néanmoins fort satisfait d’enfin céder, bien qu’à vil prix.
La confiance que le Marquis avait inspirée au gouverneur ne sembla pourtant pas partagée dans les tavernes où les hommes se montrèrent réticents à embarquer sur pareil marchand, fut-il armé à la course ; si bien qu’à la fin du mois le senaut du Marquis appareilla armé du peu de 20 hommes d’équipages.
Le Marquis avait à peine passé l’horizon, qu’un sloop jamaïcain portant l’hermine au pavillon et fatras sur le pont, vint à mouiller à son tour. L’équipage qui s’en déversa beuglant la gouaille angloise ne passa pas inaperçu, pas plus que son capitaine, un dénommé Kradush, Kradoc’h ou Krazooch, claudiquant autant qu’échangeant à la cantonade quelque jurons de bas-breton.
Du Rausset qui ne perdait pas de vue que la prospérité de sa colonie n’était autre que proportionnel au nombre des commissions qu’il émettrait, le reçu pourtant au fort de la Roche, lorgnant par l’oblique les colifichets catholiques émergeant de l’accoutrement du quémandeur.
L’entretien fut bref, la commission remise, et l’espoir grand du gouverneur de voir l’énergumène rapidement quitter l’île. De fait, l’homme était venu les poches percées, parcourant les quartiers de la Tortue à la recherche de fortune à emprunter bien plus qu’à dépenser. Au moins son équipage audiblement porté sur la gigue, agrémentait-il avantageusement l’ambiance des tavernes.
Le breton fit choux blanc à la Basse Terre, tout autant qu’à Cayonne et à la pointe du Maçon, mais parvint néanmoins à dénicher au Ringot en la personne d’Amédée Ôte-cloche, un individu disposé à investir dans son entreprise de lèse-espaigne.
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Lun Aoû 08 2016, 15:45
A la fin avril de 1660, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre dans tous les quartiers de l’île.
Car le dénommé Firmin Boniface, plus connu sous le sobriquet de « Bonnefesse » pour la caractère qu’il a à rarement lever son céans sinon pour absorber la part comestible de sa cargaison à raison de ce qu’il en peut plus que raisonnablement absorber, vint à aborder l’île à la rame, bordé dans son canot du restant éborgné de son équipage.
Chacun sachant que ledit « bonnefesse » a coutume de faire commerce avec Port Royal au nez et à la barbe de la Casa des Contracion, et qu’il avait il n’y pas plus d’une semaine fait escale à la Tortue avec son flibot bien chargé d’une cinquante tonneaux de sucre de la Martinique à en croire la rumeur, et qu’aucune tempête ne fut à déplorer dans le passage du vent dans cet intervalle de temps, chacun sut que vile déveine sur lui s’était abattu.
D’après ce qu’il à la Taverne de maître Friedrich, il aurait été pris par une fourbe tartane espingouine, autant qu’engourdi par l’idée que ce genre d’esquif n’est point rare à caboter à la côte de Cuba tant pour la charge que pour la pêche. Mais celle là étant toute pleine ce corsaire écumant de bave il en fut pour ses frais, ayant tout perdu de son entreprise sinon ses membres et son fameux céans.
Outre le fait qu’une prise soit faîte sur la France non loin du nid de corsaire de Santiago de Cuba ne soit point remarquable, on dit que le gouverneur du Rausset s’en émut néanmoins en cela que cet élan l’agressivité espingouine était propre à menacer la côte Saint Domingue.
Mais plus troublant encore fut non seulement qu’armer pareil coque de noix avec tant d’audace n’est pas dans les habitudes espagnoles, mais que le dit Bonnefesse aurait rapporté avoir entendu dans la mêlée tant beugler langue françoise qu’angloise mais non point le moindre baragouin d’espingouin.
Du capitaine corsaire il ne vit rien ou presque, étant lui-même mis au canot avant que ce dernier ne passe de la Tartane au Flibot. Mais de sa silhouette gesticulante et claudiquante qu’il a baptisé « El Exaltado », il jure qu’il la gardera en mémoire jusqu’à ce que pousse patte et crinière à la dernière des morues.
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Sam Aoû 20 2016, 16:40
Taverne de Maître Friedrich à la fin de mai 1660
On raconte qu’un groupe boucanier chassant aux environs de Leogane aurait en guise de gibier déniché dans un fourré un aventurier tout prostré et crotté. L’homme à qui il ne manquait que queue tirebouchonnée pour être pris pour cible, portait dans les yeux plus de misère et d’effarouchement que la vierge marie tombant sur un couple de boucaniers aux mœurs inverties surpris en plein ébats dans le même fourré.
Ayant retrouvé une élocution autre que de porcins grognement après qu’il lui fut donné quelque réconfort, l’homme raconta ses mésaventures. Il prétendait faire anciennement partie de l’équipage de la Marquise dont on n’avait plus de signalement à la côte françoise depuis qu’elle avait appareillée de La Tortue au début de février.
Prise dans une tempête dès son entrée dans le passage du vent la Marquise avait du réparer à la côte de Cuba, essuyant un violente attaque de la milice locale. Après une escale à Port Royal et malgré le mauvais œil semblant attaché à ce navire, le capitaine dont le miséreux n’osait plus prononcer le nom au risque de faire tomber une pluie de grenouilles vérolées, se serait funestement lancé à l’attaque de l’île Ste Catherine, entreprise audacieuse s’il en est, s’ y perdant lui-même et la moitié la plus capable de son équipage.
Les survivants seraient alors allés écumer à la côte de Ste Marthe où ils ne seraient parvenus à mieux que perdre leur navire face à marchand espagnol! Partis à 30 de port Royal mais réduit à 11 lors de cette avanie, les naufragés purent trouver place sur les deux canots du navire et gagner la côte sud de Saint Domingue. De là, dépourvus du moindre écu et de tout navire, mais disposant de vivre encore en suffisance, les 11 seraient parvenus à embusquer à la côte un autre marchand de très fort tonnage, un canot étant coulé au canon, et l’autre parvient à se lancer à l’abordage avant d’être repoussé puis coulé à son tour. De 11 la compagnie était tombée à 4, barbotant dans les eaux à quelques encablures du cap Beata.
Ses 3 compagnons étant mulâtre de ces côtes ils l’abandonnèrent à son sort, retournant parmi les leurs en jurant que toute miséreuse étant leur condition sur cette terre, elle valait mieux à tout jamais qu’à remettre un pied sur le pont d’un navire à la flibuste.
Marchant seul sur moults lieues à travers les monts et forêts, le malheureux qui se dit nommé Michel Mâchemisère, vint à perdre toute orientation et la part belle de son esprit au point de vivre comme bête sauvage et de manquer de peu d’être giboyé comme tel par lesdits boucaniers.
On raconte qu’un groupe boucanier chassant aux environs de Leogane aurait en guise de gibier déniché dans un fourré un aventurier tout prostré et crotté. L’homme à qui il ne manquait que queue tirebouchonnée pour être pris pour cible, portait dans les yeux plus de misère et d’effarouchement que la vierge marie tombant sur un couple de boucaniers aux mœurs inverties surpris en plein ébats dans le même fourré.
Ayant retrouvé une élocution autre que de porcins grognement après qu’il lui fut donné quelque réconfort, l’homme raconta ses mésaventures. Il prétendait faire anciennement partie de l’équipage de la Marquise dont on n’avait plus de signalement à la côte françoise depuis qu’elle avait appareillée de La Tortue au début de février.
Prise dans une tempête dès son entrée dans le passage du vent la Marquise avait du réparer à la côte de Cuba, essuyant un violente attaque de la milice locale. Après une escale à Port Royal et malgré le mauvais œil semblant attaché à ce navire, le capitaine dont le miséreux n’osait plus prononcer le nom au risque de faire tomber une pluie de grenouilles vérolées, se serait funestement lancé à l’attaque de l’île Ste Catherine, entreprise audacieuse s’il en est, s’ y perdant lui-même et la moitié la plus capable de son équipage.
Les survivants seraient alors allés écumer à la côte de Ste Marthe où ils ne seraient parvenus à mieux que perdre leur navire face à marchand espagnol! Partis à 30 de port Royal mais réduit à 11 lors de cette avanie, les naufragés purent trouver place sur les deux canots du navire et gagner la côte sud de Saint Domingue. De là, dépourvus du moindre écu et de tout navire, mais disposant de vivre encore en suffisance, les 11 seraient parvenus à embusquer à la côte un autre marchand de très fort tonnage, un canot étant coulé au canon, et l’autre parvient à se lancer à l’abordage avant d’être repoussé puis coulé à son tour. De 11 la compagnie était tombée à 4, barbotant dans les eaux à quelques encablures du cap Beata.
Ses 3 compagnons étant mulâtre de ces côtes ils l’abandonnèrent à son sort, retournant parmi les leurs en jurant que toute miséreuse étant leur condition sur cette terre, elle valait mieux à tout jamais qu’à remettre un pied sur le pont d’un navire à la flibuste.
Marchant seul sur moults lieues à travers les monts et forêts, le malheureux qui se dit nommé Michel Mâchemisère, vint à perdre toute orientation et la part belle de son esprit au point de vivre comme bête sauvage et de manquer de peu d’être giboyé comme tel par lesdits boucaniers.
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Sam Aoû 20 2016, 17:58
Fort de la Roche, début juillet de 1660
Le gouverneur du Rausset, inquiété par la recrudescence de l'activité espagnol dans le passage du vent, attribue une commission spéciale au capitaine s'étant jusqu'ici avéré le plus capable parmi ceux basés aux côtes dont il a la charge. La commission porte sur la colonisation de l'île de Gonave qui fut le dernier refuge des derniers sauvages d'Hispagnola, et autrement remarquable en cela qu'elle est désormais déserte pour être dépourvue d'eau douce. Son havre principal est connu sous le nom de l'Anse aux Galets.
Le gouverneur du Rausset, inquiété par la recrudescence de l'activité espagnol dans le passage du vent, attribue une commission spéciale au capitaine s'étant jusqu'ici avéré le plus capable parmi ceux basés aux côtes dont il a la charge. La commission porte sur la colonisation de l'île de Gonave qui fut le dernier refuge des derniers sauvages d'Hispagnola, et autrement remarquable en cela qu'elle est désormais déserte pour être dépourvue d'eau douce. Son havre principal est connu sous le nom de l'Anse aux Galets.
Nous Jérémie Deschamp Seigneur du Rausset, Gouverneur de l’ïle de la Tortue et Côte Saint Domingue à tous ceux qui, ces présentes, verront, salut.
L’île de Gonave faisant terre face au quartier de Leogane étant inhabitée de sorte qu’elle constitue en l’état potentielle menace de prise pied à l’encontre de la Côte St. Domingue, nous avons estimé au bien de notre service d’y établir un nouveau quartier.
A ces causes nous, gouverneur pour le Roi en l'île de la Tortue et Côte de Saint-Domingue, avons donné congé et commission au sieur Yann Varia Kradoc'h Ab Yann Rohan, capitaine d’un sloop armé en guerre, en vue d’établir en l’île de Gonave un établissement de bonnes œuvres et à l’avenir de tout ce qui peut y augmenter un ferme établissement.
A tout habitant à établir, comme à tous autres à venir, Français ou étrangers, de quelque qualité et condition qu'ils puissent être, il fera prêter à tous le serment de fidélité qu'ils doivent à LOUIS, par la Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre.
Fait à la Tortue, le 6 de juillet 1660.
Signé : Rausset.
Scellé et plus bas par mondit sieur : Cordier.
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Dim Aoû 21 2016, 15:17
Début Juillet 1660, Un partage juteux !
En ces temps heureux du partage du butin de 62 031 pièces de huit au retour du Skeud An Ankou, tous le furent, car la part au moment de rendre la commission au Gouverneur du Rausset s’élevait à 2 376 piastres !
Kradoch en fut heureux, outre les 15 444 écus venant grossir sa fortune personnelle, la belle part lui permit de retenir à lui tous les membres de son équipage non sans se fendre d’une rallonge de 170 piastres pour les plus récalcitrants.
Ôte-Cloche qui dans l’affaire avait investi 2500 pièces de huit, plus que doublait sa mise avec un retour de 5 940 piastres !
…Et le sieur du Rausset pouvait enrichir l’amirauté de l’honnête somme 6 203 écus…
En ces temps heureux du partage du butin de 62 031 pièces de huit au retour du Skeud An Ankou, tous le furent, car la part au moment de rendre la commission au Gouverneur du Rausset s’élevait à 2 376 piastres !
Kradoch en fut heureux, outre les 15 444 écus venant grossir sa fortune personnelle, la belle part lui permit de retenir à lui tous les membres de son équipage non sans se fendre d’une rallonge de 170 piastres pour les plus récalcitrants.
Ôte-Cloche qui dans l’affaire avait investi 2500 pièces de huit, plus que doublait sa mise avec un retour de 5 940 piastres !
…Et le sieur du Rausset pouvait enrichir l’amirauté de l’honnête somme 6 203 écus…
- FriedrichModérateur
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Sam Aoû 27 2016, 15:45
Fort de la Roche, début août de 1660: frissons à la côte Saint Domingue
Le gouverneur Du Rausset ayant vent de l’affaire du Saint David, et les anglois ayant pris les devants concernant le cas d’El Exaltado qui semble avoir une prédilection pour les navires de cette nation, est bien plus préoccupé par la nouvelle que vient dernièrement de lui apporter le Capitaine van de Güe, à savoir que les Galions de l’Armada de Barlovento croiseraient actuellement à la côte de Nord de Saint Domingue.
En conséquence de quoi, le gouverneur fait savoir à la population tant de la Tortue, que de toute la côte Saint Domingue, sans oublier la nouvelle colonie de Gonave, qu’elle doit prendre toutes les mesure nécessaires à se mettre en défense. En effet ayant appris les attaques de Chivirico et de Sainte Catherine par le Marquis et ainsi que celle de Tampico par le Capitaine Kradoc'h, il craint fort que le Vice Roy ait mandaté cet escadron pour que soit mené un raid en représailles sur les côtes françoises.
Le gouverneur Du Rausset ayant vent de l’affaire du Saint David, et les anglois ayant pris les devants concernant le cas d’El Exaltado qui semble avoir une prédilection pour les navires de cette nation, est bien plus préoccupé par la nouvelle que vient dernièrement de lui apporter le Capitaine van de Güe, à savoir que les Galions de l’Armada de Barlovento croiseraient actuellement à la côte de Nord de Saint Domingue.
En conséquence de quoi, le gouverneur fait savoir à la population tant de la Tortue, que de toute la côte Saint Domingue, sans oublier la nouvelle colonie de Gonave, qu’elle doit prendre toutes les mesure nécessaires à se mettre en défense. En effet ayant appris les attaques de Chivirico et de Sainte Catherine par le Marquis et ainsi que celle de Tampico par le Capitaine Kradoc'h, il craint fort que le Vice Roy ait mandaté cet escadron pour que soit mené un raid en représailles sur les côtes françoises.
- FriedrichModérateur
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Mar Sep 06 2016, 14:53
Une nouvelle parvient tardivement à la Tortue:
Respectant les clauses du Traité des Pyrénées, Le Roi Louis a accepté d'épouser sa cousine doublement germaine, l'infante Marie-Thérèse d'Autriche, fille de Philippe IV, roi d'Espagne et d'Élisabeth de France. Le mariage qui a pour but de rapprocher la France de l'Espagne a eu lieu le 9 juin en l'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz.
Respectant les clauses du Traité des Pyrénées, Le Roi Louis a accepté d'épouser sa cousine doublement germaine, l'infante Marie-Thérèse d'Autriche, fille de Philippe IV, roi d'Espagne et d'Élisabeth de France. Le mariage qui a pour but de rapprocher la France de l'Espagne a eu lieu le 9 juin en l'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz.
- FLUSHAncien de la meute
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Dim Oct 02 2016, 14:15
MARIE THERESE EST UNE OIE, SON COUSIN LOUIS EST UN ÂNE!
Chapi chapo popo...
Chapo chapi pipi...
Chapo chapo popo...
Chapeau!
Il semblerait qu'il y ait de l'activité sur les quais de la Tortue!
- FLUSHAncien de la meute
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Dim Oct 09 2016, 19:43
Ca faisait un long temps que ce couple si mal appareillé arpentait les quais de la Tortue... Quand Madame n'était pas à la taverne de Maître Friedrich ou Monsieur fourré chez Du Rausset ou à visiter quelque plantation, c'était sur le port qu'on les trouvait le plus fréquemment, deux bonnes coudées les séparant généralement.
Le très précieux Emile Briandt, Marquis de Montplanton, il y a si peu Grand Chambrier du Roy Louis et cette mystérieuse et fatale jeune femme dont on disait qu'elle lui était promise finirent par tomber sur une frimousse baptisée Jacques, mais qu'on appelait plus volontiers Jacky L'Andouille, sans que l'on sache si c'était parce qu'il était natif de Guéméné ou du fait des pitreries et des tours qu'il aimait faire... Ils ne tardèrent point à se prendre d'affection pour lui...
Le garçon haut comme trois pommes à cidre devait avoir dans les douze ans, mais avait dû vivre jusque là si misérablement qu'on aurait pu lui donner à peine huit. Huit... Comme la pièce que la Ruzig finit par lui donner quand ce dernier lui demanda un beau matin de le suivre... Parce qu'il prétendait savoir trouver ce qu'elle cherchait.
Emile en fut si intrigué qu'il insista pour les suivre, et dans une excitation palpable, alla jusqu'à vouloir se grimer en flibustier, se contentant pourtant pour se faire de se cacher l'œil gauche derrière un bandeau de velours noir, et d'imiter l'accent normand des membres de l'équipage du Saint Maclou qui les avaient convoyés jusqu'ici. Plus lui aurait été insupportable: il garda ses habits de cour, prétendant ne point supporter d'autre matière que la soie sur sa peau délicate, et ne point vouloir se mettre à la mode du cru: jamais il n'avait vu gaillard moins bien fagotés que ceux qu'il croisait à la Tortue...
Le mousse n'avait pas menti, mais son aide était inutile: en bout de quai s'était amarré un fort beau navire dont même un aveugle aurait senti la présence... La Roussote pressa le pas, et arriva prestement devant un sublime quaiche battant françois pavillon...
Elle s'enhardit à parler aux marins, et ignora même les propos graveleux qu'on lui lançait du pont...
Voyant arriver ce surprenant équipage qui leur priait de bien vouloir les laisser monter à bord, les hommes du "Jehan Guiton", malgré son insistance, refusèrent de laisser monter la jeune femme à bord.
"C'est comme les lapins: on en veut pas: ç' porte malheur!"
Et de rajouter, grivois:
"La seule bonne femme qu'on veut bien ici, c'est à la proue, le cul bien collé à notre coque, et les nichons presque à l'air qu'on l'a mise!"
La Ruzig finit par perdre le peu de patience qu'elle avait sue à grand peine mobiliser, et vomit quelques insultes bien senties...
Montplanton monta donc seul, et se mit à inspecter le bateau en tous sens, faisant mine d'être expert, se plaignant de l'odeur et s’inquiétant de la mousse verte qui colonisait par endroit le pont, pendant que fulminait la donzelle qui continuait à déverser depuis le quai, sur les marins et dans l'eau du port, un tombereau d'injures fleuries tant françoises, que gasconnes et bretonnes...
Un fort accent basque et une forte voie couvrit ses propos.
"C'est point qu'on n'aime pas les femmes, Mam'zelle, mais on les trouve plus utiles à terre qu'embarquées... et par la barbe de Saint Ignace, nous vous prions donc de bien vouloir vous tenir à votre place... Et puis, il est neuf heures, et nous n'avons encore rien mangé et encore moins bu..."
Aussi la Ruzig se ravisa, changea de ton, trouvant dans les propos de celui qui s'avérait être le quartier maître une perche qu'elle ne voulait point ignorer et saisir... Elle invita l'homme et ceux qui le voudraient à descendre, et si sa présence à leur table ne les offensait pas, leur précisa qu'elle les invitait à aller boire quelques verres, pour causer un brin...
Le très précieux Emile Briandt, Marquis de Montplanton, il y a si peu Grand Chambrier du Roy Louis et cette mystérieuse et fatale jeune femme dont on disait qu'elle lui était promise finirent par tomber sur une frimousse baptisée Jacques, mais qu'on appelait plus volontiers Jacky L'Andouille, sans que l'on sache si c'était parce qu'il était natif de Guéméné ou du fait des pitreries et des tours qu'il aimait faire... Ils ne tardèrent point à se prendre d'affection pour lui...
Le garçon haut comme trois pommes à cidre devait avoir dans les douze ans, mais avait dû vivre jusque là si misérablement qu'on aurait pu lui donner à peine huit. Huit... Comme la pièce que la Ruzig finit par lui donner quand ce dernier lui demanda un beau matin de le suivre... Parce qu'il prétendait savoir trouver ce qu'elle cherchait.
Emile en fut si intrigué qu'il insista pour les suivre, et dans une excitation palpable, alla jusqu'à vouloir se grimer en flibustier, se contentant pourtant pour se faire de se cacher l'œil gauche derrière un bandeau de velours noir, et d'imiter l'accent normand des membres de l'équipage du Saint Maclou qui les avaient convoyés jusqu'ici. Plus lui aurait été insupportable: il garda ses habits de cour, prétendant ne point supporter d'autre matière que la soie sur sa peau délicate, et ne point vouloir se mettre à la mode du cru: jamais il n'avait vu gaillard moins bien fagotés que ceux qu'il croisait à la Tortue...
Le mousse n'avait pas menti, mais son aide était inutile: en bout de quai s'était amarré un fort beau navire dont même un aveugle aurait senti la présence... La Roussote pressa le pas, et arriva prestement devant un sublime quaiche battant françois pavillon...
Elle s'enhardit à parler aux marins, et ignora même les propos graveleux qu'on lui lançait du pont...
Voyant arriver ce surprenant équipage qui leur priait de bien vouloir les laisser monter à bord, les hommes du "Jehan Guiton", malgré son insistance, refusèrent de laisser monter la jeune femme à bord.
"C'est comme les lapins: on en veut pas: ç' porte malheur!"
Et de rajouter, grivois:
"La seule bonne femme qu'on veut bien ici, c'est à la proue, le cul bien collé à notre coque, et les nichons presque à l'air qu'on l'a mise!"
La Ruzig finit par perdre le peu de patience qu'elle avait sue à grand peine mobiliser, et vomit quelques insultes bien senties...
Montplanton monta donc seul, et se mit à inspecter le bateau en tous sens, faisant mine d'être expert, se plaignant de l'odeur et s’inquiétant de la mousse verte qui colonisait par endroit le pont, pendant que fulminait la donzelle qui continuait à déverser depuis le quai, sur les marins et dans l'eau du port, un tombereau d'injures fleuries tant françoises, que gasconnes et bretonnes...
Un fort accent basque et une forte voie couvrit ses propos.
"C'est point qu'on n'aime pas les femmes, Mam'zelle, mais on les trouve plus utiles à terre qu'embarquées... et par la barbe de Saint Ignace, nous vous prions donc de bien vouloir vous tenir à votre place... Et puis, il est neuf heures, et nous n'avons encore rien mangé et encore moins bu..."
Aussi la Ruzig se ravisa, changea de ton, trouvant dans les propos de celui qui s'avérait être le quartier maître une perche qu'elle ne voulait point ignorer et saisir... Elle invita l'homme et ceux qui le voudraient à descendre, et si sa présence à leur table ne les offensait pas, leur précisa qu'elle les invitait à aller boire quelques verres, pour causer un brin...
- FLUSHAncien de la meute
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Sam Oct 22 2016, 13:01
Le bon Friedrich nous a relaté bien des faits sur le Jehan Guiton et son équipage... Il me faut maintenant les transmettre à tous!
Début Mai 1660 , le « Jehan Guiton », quaiche de 100 tonneaux quitte la Rochelle pour la nouvelle France. Armé au commerce par le sieur Bertrand Raduit de Souches il porte 40 tonneaux de draps du Poitou, étoffe fort rare est appréciée sous le rude climat de ces contrées reculées. Quant au retour le capitaine Abraham Tocard, voguant d’ordinaire aussi bien à la course qu’au commerce, a toute latitude pour augmenter le bénéfice du voyage au profit du sieur Raduit.
Outre le capitaine Tocard, et le maître Henri Lombardon, tous deux huguenots de cœur à l’image de leur armateur, officie à bord du navire un certain Ignace de Viniolla. Bien qu’alcoolique notoire, l’homme ayant le bon goût et la rare qualité d’avoir maîtrise des lettres et des comptes assume la charge de cambusier. De nombreuses histoire circulent à son sujet, mais la plus admise est que son instruction lui vient d’un passé de prêtrise à la compagnie de Jésus qu’un penchant vertigineux pour la boisson aurait vertement défroqué. On raconte même qu’il serait alors devenu une manière d’hermite flottant mais non point pénitent, dérivant de port en port à bord d’une embarcation de fortune depuis Saint Jean de la Luz jusqu’à la Rochelle, sans jamais omettre de faire escale dans chaque taverne de chaque havre établis sur cette côte. On dit de lui qu’il est capable d’absorber toute nature de boisson alcoolisée, et même (ce qui reste à prouver) qu’il a le don par quelque tour d’alchimie de tirer de toute matière l’une ou l’autre forme de tord-boyaux.
A la mi-aôut de 1660, le Jehan Guiton atteint la nouvelle France, faisant grand profit de la vente de sa cargaison. Parcourant le pays afin d’y trouver de quoi réinvestir grassement sa recette le Capitaine Tocard vint à acquérir nombre de lots de fourrures et duvets exotiques afin de doubler les gains du sieur Raduit au retour du navire dans le vieux monde.
La capitaine appareilla de nouvelle France courant octobre de 1660, mais après une semaine de mer l’équipage commença de pustuler, infesté de poux et puces fort joufflues tout aussi exotiques qu’est le chargement du Jehan Guiton. Le temps passant à bord le phénomène ne fit qu’empirer, les hommes semblant être devenus la réserve de vivres d’un grouillant équipage de parasites…
Seul Ignace paraissait préservé d’un mal s’aggravant au fil des jours, les pustules venant à puruler elles virèrent en vilaines fièvres qui associés aux démangeaisons vinrent à faire perdre la raison à certain. On vit l’un s’enduire de poix et s’embrasser, manquant de peux de bouter le feu au navire, et l’autre tout bonnement se jeter par-dessus bord. D’autres encore qui bien qu’étant parvenus à garder l’esprit à flot, furent emportés par les chancres.
Tocard qui avait entrepris de mettre sa cabine en continuelle fumigation dut se rendre à l’évidence. Ignace, dans un accès de courage acquis au prix d’une bonne rasade de sirop d’érable fermenté , entrepris d’inspecter la marchandise, (acte de bravoure qui le mis en profond respect vis-à-vis de l’équipage) ce qui lui confirma ce que tous n’osaient ouvertement incriminer : les fourrures et duvets n’étaient plus qu’amas grouillant et sautillant, faisant nid d’un grand confort à la vermine sur le point de décimer l’équipage…
Ces même fourrures et duvets, dans lesquels la recette faite en nouvelle France avait été réinvestie, furent jetés par-dessus bord, laissant le sieur Raduit sans le moindre gain sinon des coûts, et le Jehan Guiton armé d’un équipage amoindri et à demi plongé dans la démence…
Dans ces conditions le maître Henri qui avait quelque cousin ou connaissance établis à la côte St. Domingue proposa à Tocard d’abandonner sa route vers l’ancien monde, et de mettre le cap au Sud sur les îles d’Amérique afin d’y faire en course les gains qu’en commerce le Jehan Guiton n’avait point fait. Là à l’Isle de la Tortue ils n’auraient aucun mal à obtenir une commission et à y embarquer quelque fiers à bras à bord du quaiche qui jusqu’ici s’il s’était fait marchand, avait toutes les qualités pour se faire corsaire…
Pendant ce temps, en cette même île de la Tortue débarquent du St. Maclou au début de septembre 1660, la Roussotte et le sieur Emile de Briandt, marquis de Montplanton, jusqu'il y a peu chambrier du Roy. Grâce aux subsides de Briandt le couple prend la table et la couche à la Taverne de Maître Friedrich au modique prix de 8 pièces de huit la nuitée de complète pension.
Les mois s’écoulent ainsi, la Ruzig passant le plus clair de son temps dans la taverne à s’imprégner des récits des marins de passage, s’accoutumant progressivement aux us et coutumes autant qu’aux élans de la gent flibustière. De son côté Briandt, bien que n’étant pas insensible à la virilité de cette même gent, en goûte moins la compagnie. Aussi visite-t-il longuement l’île et ses plantations de tabac, éveillant en lui la fibre d’un naturaliste bientôt féru de botanique. Il rend naturellement régulièrement visite au gouverneur du Rausset qui apprécie grandement l’aimable affabilité de sa compagnie et la douceur de ses gestes…
Ce n'est qu'à la fin de janvier 1661 que le Jehan Guiton vient à toucher la Tortue. Comme il l’avait espéré Tocard n’a aucun mal, les papiers de son navire étant en règle, à obtenir une commission et à recruter des hommes. Ce navire qui a bien plus fière allure que la plupart de ceux fréquentant d'ordinaire la Tortue ne passe pas inaperçu, et surtout pas de la Ruzig qui, la fortune de Briandt s’amenuisant au fil du temps commence à envisager un destin plus flamboyant que celui de donzelle arpentant les rives et les tavernes sur une île du bout du monde.
Tocard, qui n’est pas propriétaire du Jehan Guiton rechigne à s’endetter auprès de quelque bourgeois local, et surtout pas au nom de son armateur, le sieur Raduit. Il préfère donc de délester des dernières pièces de huit acquises en nouvelle France pour avitailler le navire et miser sur une réussite rapide dans son entreprise de course. Se méfiant des locaux, Tocard confirme les « rochelais » aux postes principaux postes d’officier : Lombardon est confirmé à la charge de maître et Ignace vient à la charge de Quartier Maître.
Mais la première sortie du Jehan Guiton est un fiasco. Après 20 jours de mer la seule proie que le Quaiche parvint brièvement à approcher lui envoya une bordée qui bien que ne faisant pas grand mal au navire envoie Tocard ad patres ! Sans capitaine, à court de vivre et sans le moindre butin le Jehan Guiton est de retour à la Tortue à la fin de février 1661 ...
Dépités, Lombardon et Ignace vont passer la soirée à la taverne de maître Friedrich afin d’aviser et d’envisager une issue à l’impasse dans laquelle ils se trouvent désormais. Ils ont un équipage, mais ni vivre, ni argent, ni commission, et un navire qui est su appartenir au sieur Raduit de la Rochelle, dont ils savent pertinemment qu’il a le bras long et ne se laissera impunément spolier de son bien. D’évidence toute voie légale s’offrant à eux ne peut être qu’endettement personnel et œuvre de course au seul profit de l’armateur, chose qui à en juger à l’aune de la vie que mènent les flibustiers alentours, ne leur sied guère.
La Ruzig, qui en sait long sur le Jehan Guiton par les conversations qu’elle a avec Briandt à qui le gouveneur ne cache plus grand-chose, ne manque pas de saisir l’opportunité, tentant d’amener à son avis son « compagnon » par le fait que leur fortune ne compte plus que 3560 écus, et qu’en aucun cas ni l’un ni l’autre n’envisagent de servir de larbin à quiconque pour subvenir à ses nécessités.
Ainsi, et bien effrontément, la Ruzig en vient-elle à proposer à Lombardon et Ignace d’avitailler gracieusement le Jehan Guiton, à condition d’en devenir son capitaine. N’ayant pas d’autre choix, et bien qu’extrêmement réticent de se voir placé sous les ordres d’une jeune femme, les deux hommes ne refusent pas immédiatement la proposition. En effet les formes agréables de la rouquine pourraient bien être un fort plaisant spectacle au quotidien du bord. Et s’ils ne doutent pas le moins du monde de son incompétence, eux le sont bien assez pour s’accommoder d’un capitaine fantoche…
... Une affaire à suivre...
L’odyssée du « Jehan Guiton »
ainsi baptisé du nom du sieur de Repose-Pucelle qui défit bravement la flotte Royale devant la Rochelle en l’an 1622
ainsi baptisé du nom du sieur de Repose-Pucelle qui défit bravement la flotte Royale devant la Rochelle en l’an 1622
Début Mai 1660 , le « Jehan Guiton », quaiche de 100 tonneaux quitte la Rochelle pour la nouvelle France. Armé au commerce par le sieur Bertrand Raduit de Souches il porte 40 tonneaux de draps du Poitou, étoffe fort rare est appréciée sous le rude climat de ces contrées reculées. Quant au retour le capitaine Abraham Tocard, voguant d’ordinaire aussi bien à la course qu’au commerce, a toute latitude pour augmenter le bénéfice du voyage au profit du sieur Raduit.
Outre le capitaine Tocard, et le maître Henri Lombardon, tous deux huguenots de cœur à l’image de leur armateur, officie à bord du navire un certain Ignace de Viniolla. Bien qu’alcoolique notoire, l’homme ayant le bon goût et la rare qualité d’avoir maîtrise des lettres et des comptes assume la charge de cambusier. De nombreuses histoire circulent à son sujet, mais la plus admise est que son instruction lui vient d’un passé de prêtrise à la compagnie de Jésus qu’un penchant vertigineux pour la boisson aurait vertement défroqué. On raconte même qu’il serait alors devenu une manière d’hermite flottant mais non point pénitent, dérivant de port en port à bord d’une embarcation de fortune depuis Saint Jean de la Luz jusqu’à la Rochelle, sans jamais omettre de faire escale dans chaque taverne de chaque havre établis sur cette côte. On dit de lui qu’il est capable d’absorber toute nature de boisson alcoolisée, et même (ce qui reste à prouver) qu’il a le don par quelque tour d’alchimie de tirer de toute matière l’une ou l’autre forme de tord-boyaux.
A la mi-aôut de 1660, le Jehan Guiton atteint la nouvelle France, faisant grand profit de la vente de sa cargaison. Parcourant le pays afin d’y trouver de quoi réinvestir grassement sa recette le Capitaine Tocard vint à acquérir nombre de lots de fourrures et duvets exotiques afin de doubler les gains du sieur Raduit au retour du navire dans le vieux monde.
La capitaine appareilla de nouvelle France courant octobre de 1660, mais après une semaine de mer l’équipage commença de pustuler, infesté de poux et puces fort joufflues tout aussi exotiques qu’est le chargement du Jehan Guiton. Le temps passant à bord le phénomène ne fit qu’empirer, les hommes semblant être devenus la réserve de vivres d’un grouillant équipage de parasites…
Seul Ignace paraissait préservé d’un mal s’aggravant au fil des jours, les pustules venant à puruler elles virèrent en vilaines fièvres qui associés aux démangeaisons vinrent à faire perdre la raison à certain. On vit l’un s’enduire de poix et s’embrasser, manquant de peux de bouter le feu au navire, et l’autre tout bonnement se jeter par-dessus bord. D’autres encore qui bien qu’étant parvenus à garder l’esprit à flot, furent emportés par les chancres.
Tocard qui avait entrepris de mettre sa cabine en continuelle fumigation dut se rendre à l’évidence. Ignace, dans un accès de courage acquis au prix d’une bonne rasade de sirop d’érable fermenté , entrepris d’inspecter la marchandise, (acte de bravoure qui le mis en profond respect vis-à-vis de l’équipage) ce qui lui confirma ce que tous n’osaient ouvertement incriminer : les fourrures et duvets n’étaient plus qu’amas grouillant et sautillant, faisant nid d’un grand confort à la vermine sur le point de décimer l’équipage…
Ces même fourrures et duvets, dans lesquels la recette faite en nouvelle France avait été réinvestie, furent jetés par-dessus bord, laissant le sieur Raduit sans le moindre gain sinon des coûts, et le Jehan Guiton armé d’un équipage amoindri et à demi plongé dans la démence…
Dans ces conditions le maître Henri qui avait quelque cousin ou connaissance établis à la côte St. Domingue proposa à Tocard d’abandonner sa route vers l’ancien monde, et de mettre le cap au Sud sur les îles d’Amérique afin d’y faire en course les gains qu’en commerce le Jehan Guiton n’avait point fait. Là à l’Isle de la Tortue ils n’auraient aucun mal à obtenir une commission et à y embarquer quelque fiers à bras à bord du quaiche qui jusqu’ici s’il s’était fait marchand, avait toutes les qualités pour se faire corsaire…
Pendant ce temps, en cette même île de la Tortue débarquent du St. Maclou au début de septembre 1660, la Roussotte et le sieur Emile de Briandt, marquis de Montplanton, jusqu'il y a peu chambrier du Roy. Grâce aux subsides de Briandt le couple prend la table et la couche à la Taverne de Maître Friedrich au modique prix de 8 pièces de huit la nuitée de complète pension.
Les mois s’écoulent ainsi, la Ruzig passant le plus clair de son temps dans la taverne à s’imprégner des récits des marins de passage, s’accoutumant progressivement aux us et coutumes autant qu’aux élans de la gent flibustière. De son côté Briandt, bien que n’étant pas insensible à la virilité de cette même gent, en goûte moins la compagnie. Aussi visite-t-il longuement l’île et ses plantations de tabac, éveillant en lui la fibre d’un naturaliste bientôt féru de botanique. Il rend naturellement régulièrement visite au gouverneur du Rausset qui apprécie grandement l’aimable affabilité de sa compagnie et la douceur de ses gestes…
Ce n'est qu'à la fin de janvier 1661 que le Jehan Guiton vient à toucher la Tortue. Comme il l’avait espéré Tocard n’a aucun mal, les papiers de son navire étant en règle, à obtenir une commission et à recruter des hommes. Ce navire qui a bien plus fière allure que la plupart de ceux fréquentant d'ordinaire la Tortue ne passe pas inaperçu, et surtout pas de la Ruzig qui, la fortune de Briandt s’amenuisant au fil du temps commence à envisager un destin plus flamboyant que celui de donzelle arpentant les rives et les tavernes sur une île du bout du monde.
Tocard, qui n’est pas propriétaire du Jehan Guiton rechigne à s’endetter auprès de quelque bourgeois local, et surtout pas au nom de son armateur, le sieur Raduit. Il préfère donc de délester des dernières pièces de huit acquises en nouvelle France pour avitailler le navire et miser sur une réussite rapide dans son entreprise de course. Se méfiant des locaux, Tocard confirme les « rochelais » aux postes principaux postes d’officier : Lombardon est confirmé à la charge de maître et Ignace vient à la charge de Quartier Maître.
Mais la première sortie du Jehan Guiton est un fiasco. Après 20 jours de mer la seule proie que le Quaiche parvint brièvement à approcher lui envoya une bordée qui bien que ne faisant pas grand mal au navire envoie Tocard ad patres ! Sans capitaine, à court de vivre et sans le moindre butin le Jehan Guiton est de retour à la Tortue à la fin de février 1661 ...
Dépités, Lombardon et Ignace vont passer la soirée à la taverne de maître Friedrich afin d’aviser et d’envisager une issue à l’impasse dans laquelle ils se trouvent désormais. Ils ont un équipage, mais ni vivre, ni argent, ni commission, et un navire qui est su appartenir au sieur Raduit de la Rochelle, dont ils savent pertinemment qu’il a le bras long et ne se laissera impunément spolier de son bien. D’évidence toute voie légale s’offrant à eux ne peut être qu’endettement personnel et œuvre de course au seul profit de l’armateur, chose qui à en juger à l’aune de la vie que mènent les flibustiers alentours, ne leur sied guère.
La Ruzig, qui en sait long sur le Jehan Guiton par les conversations qu’elle a avec Briandt à qui le gouveneur ne cache plus grand-chose, ne manque pas de saisir l’opportunité, tentant d’amener à son avis son « compagnon » par le fait que leur fortune ne compte plus que 3560 écus, et qu’en aucun cas ni l’un ni l’autre n’envisagent de servir de larbin à quiconque pour subvenir à ses nécessités.
Ainsi, et bien effrontément, la Ruzig en vient-elle à proposer à Lombardon et Ignace d’avitailler gracieusement le Jehan Guiton, à condition d’en devenir son capitaine. N’ayant pas d’autre choix, et bien qu’extrêmement réticent de se voir placé sous les ordres d’une jeune femme, les deux hommes ne refusent pas immédiatement la proposition. En effet les formes agréables de la rouquine pourraient bien être un fort plaisant spectacle au quotidien du bord. Et s’ils ne doutent pas le moins du monde de son incompétence, eux le sont bien assez pour s’accommoder d’un capitaine fantoche…
... Une affaire à suivre...
- FriedrichModérateur
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Age : 54
Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Jeu Fév 09 2017, 21:45
Mai 1661, Grosse fatigue de Monsieur du Rausset
Le gouverneur du Rausset se trouvant en forte lassitude depuis le départ du marquis de Montplanton a décidé de prendre repos et soin à la côte Saint-Domingue, laissant par intérim la charge de Gouverneur de la Tortue et de la Côte St. Domingue à son jeune et vigoureux neveu le sieur Frédérick Deschamps de La Place.
Se trouvant que Monsieur Du Rausset dans sa retraite emmène dans ses bagages le sieur Cordier, un nouveau secrétaire est nommé en la personne d'un armateur et ancien flibustier bien connu, apte à fournir au nouveau gouverneur par son expérience des Amériques toute l'aide et la connaissance nécessaire à sa charge toute neuve, le ci-devant monsieur Cadouan d'Armor.
- FLUSHAncien de la meute
- Messages : 2284
Date d'inscription : 29/09/2008
Le témoignange du bon Arnaud Le Moine
Dim Avr 02 2017, 21:18
Le ci-devant Yann Varia Krad Deoc'h ab Rohan-Leon, à iceux présents, mande à Arnaud Le Moine, domestique de feu le Marquis de Fontenelle, le re dyct qu'il nous fit, lors sa libération.
Allons, Le Moine, ne sois pas impressionné, Van de Güe ne peut plus rien contre toi. Raconte aux ceux-ce présents, le tout, depuis son tout début!
L'homme s'avance, et rassuré par la présence du gouverneur de Gonâve, il se lance sans retenu...
Peste soit de Vent de Gueux! Le Batave a l'ordure collée à son unique basque!
Mais, par Dieu, la queue basse, il a, tout maintenant! Et un mouchoir pour son nez moucher, il lui faut.
Cui-ci, il a tenté de guider Kradoc'h et la Marie Morgane en plein mitant du cul du diab', tout droit à la malemort, mais l'Aotrou Diaoul, notre bon capitaine, il a pas voulu prendre!
Ce briguant avait débarqué à Kornog de l'île de Gonâve, et s'en était allé voulant piller, sans doute, mais la marquis de la Fontenelle, notre bon maître, à l'heure du chouchenn toute venue, qu'il était quand il les a vus, les pirates, et à lui seul, il s'en voulait devant la horde de cheveux jaunes aller pour les faire déguerpir...
"Au nom du Roy Louis, hors d'ici!" qu'il a crié.
Mais les autres, ils ont sortis haches et épées.
Un homme étrange, que c'était. Mais du courage, il avait!
Deux ou trois, il en a couchés, mais à dix sur lui, même Dieu avec, ils l'ont eu, et tout occis.
Alors, la Rolande et moi, on a bien tenté de le secourir, mais nous désarmés, ils nous ont pris, itou.
Des jours durant, dans la sainte barbe du vaisseau batave, on était maintenus. Au pain sec et à l'eau, avec le corps tout massacré du malheureux marquis...
On entendait ce ladre de Vent de Gueux qui devant vous se présente, mielleux comme un cul de gwerenad Chouchenn, aller et venir se faisant, les mains frotant, et bassement grimaçant, tout mauvais qu'il est (que le Diab' lui crame sa patte de bois!) et à tous se vanter qu'il avait réclamé rançon de 10 000 piastres que bientôt lui et ses hommes se partageraient, 10 00 piastres qu'il voulait pour rendre à Kradoc'h le marquis et nous autres.
Vendre un cadavre 10 000 piastres, je vous dit: ça ne se fait pas entre chrétiens!
Mais nous, Rolande et moi, on disait rien. Comme si on était muets, qu'on faisait.
Un bon matin, on nous a pris de là où on croupissait, et on les a vus, ces pirates, tous bien armés et prêts au Stourm, l’œil torve chacun, pour sûr, ils l'avaient, mais pas rassurés: des flatulences, ils avaient. Les trippes au bord des chausses, je vous dit, Messires!
Et hopala! Deux chaloupes à la mer, et nous, dedans une, où il y avait tout ricanant jaune ce suppôt de Satan qu'est le morveux batave. On a vu l'une d'elle s'en aller vers un îlot à tribord, y débarquer son lot de gens de mer. Et puis, la nôtre, à l'îlot voisin, débarquer aussi, elle est allée.
De là où j'étions avec Rolande, on les voyait se préparer. Un moment après, la Marie Morgane, elle est arrivée, et ce beau navire portant haut le Kroazh Du, il s'est immobilisé... Puis, une chaloupe, elle a mis à la mer, avec un bleu pavillon... Et Vent de Gueux qui s’excitait "Goedendamen Goed!" Qu'i' disait en rebondissant comme korrigan en foire sur sa cagneuse guibole... "Nous allons les tout tuer s'ils ne veulent payer!", et de rajouter en hoquetant tellement même lui, il savait dire netra "ou s'ils le veulent bien!" que ça veut dire en Hollandois, il nous a dit!
Sûr, ses intentions étaient mauvaises, il disait: "et là, i' vient, i' vient, i' vient, et là, "bim! bam boum!" le Kouign de la Morue derrière lui s'en vient, pour la prendre à revers, et "hopla" on la coule pendant que le bon capitaine Kradoc'h, il est tout occupé à venir ici en chaloupe en comptant ses pièces!" ... et Rolande et moi, on a bien vu que sod, ce furlukin, il est tout. Mais on n,a rien dit, rapport au fait qu'ils nous ont tout ligotés et bâillonnés... Ma Doué beniget, on se demandait s'ils allaient nous tuer aussi, le trou du cul fêlant ...
Mais, les hommes restés à bord du Kouign de la Morue, ils avaient rien compris tellement les ordres de leur capitaine, ils étaient tout distrujet et tordus... Alors, ces Genaoueg, ils ont pas attendu le signal qu'on avait oublié de leur donner, et du vent dans leurs voiles, i's ont pris tant... qu'ils se sont fait voir trop tôt.
De là où on nous a mis ensuite, on voyait bien le combat. D'abord, le Kouign, il avait pas de pavillon. Alors, Messire Varia, il a dû se dire: voilà des pirates! Et, il est remonté à bord de sa frégate.
Il est arrivé à la hauteur duboulard de Ouf, pardon, du Kouign de la Morue, et il leur a dit une, deux, trois, un demi-cent fois: "rendez-nous nos gens je vous prie, ou il pourrait vous en coûter". Et eux toujours, ils répondaient "Neij!" ou "Nei!" en hochant toujours la tête d'un côté à l'autre.
A la toute fin, l’excellent capitaine Kradoc'h a fait tirer une border, juste pour leur faire savoir que maintenant, ça suffit, c'est qui le chef ici, et tout.
Etles autres, ils ont viré bâbord, et se sont engagés dans les hauts fonds où ils ont cassé leur nef. N'est pas marin qui veut, Messires...
Alors, la Marie Morgane, contre le vent, elle s'est mise, et à nouveau, une chaloupe, le capitaine Kradoc'h, ce saint homme que vous voyez devant vous, et quelques marins à lui, en dedans, à souquer, jusqu'à l'îlot où on était tenus...
Et hopala! Le hollandais fila à l'angloise, ses hommes ne prenant même pas le temps de nous égorger, tellement ils avaient mal au fessier de rendre leur tripe de peur.
Et nous fûmes libérés, et saufs, itou. Que le Très Haut remercie le bon capitaine Kradoc'h et son équipage: il nous évita la malemort!
Allons, Le Moine, ne sois pas impressionné, Van de Güe ne peut plus rien contre toi. Raconte aux ceux-ce présents, le tout, depuis son tout début!
L'homme s'avance, et rassuré par la présence du gouverneur de Gonâve, il se lance sans retenu...
Peste soit de Vent de Gueux! Le Batave a l'ordure collée à son unique basque!
Mais, par Dieu, la queue basse, il a, tout maintenant! Et un mouchoir pour son nez moucher, il lui faut.
Cui-ci, il a tenté de guider Kradoc'h et la Marie Morgane en plein mitant du cul du diab', tout droit à la malemort, mais l'Aotrou Diaoul, notre bon capitaine, il a pas voulu prendre!
Ce briguant avait débarqué à Kornog de l'île de Gonâve, et s'en était allé voulant piller, sans doute, mais la marquis de la Fontenelle, notre bon maître, à l'heure du chouchenn toute venue, qu'il était quand il les a vus, les pirates, et à lui seul, il s'en voulait devant la horde de cheveux jaunes aller pour les faire déguerpir...
"Au nom du Roy Louis, hors d'ici!" qu'il a crié.
Mais les autres, ils ont sortis haches et épées.
Un homme étrange, que c'était. Mais du courage, il avait!
Deux ou trois, il en a couchés, mais à dix sur lui, même Dieu avec, ils l'ont eu, et tout occis.
Alors, la Rolande et moi, on a bien tenté de le secourir, mais nous désarmés, ils nous ont pris, itou.
Des jours durant, dans la sainte barbe du vaisseau batave, on était maintenus. Au pain sec et à l'eau, avec le corps tout massacré du malheureux marquis...
On entendait ce ladre de Vent de Gueux qui devant vous se présente, mielleux comme un cul de gwerenad Chouchenn, aller et venir se faisant, les mains frotant, et bassement grimaçant, tout mauvais qu'il est (que le Diab' lui crame sa patte de bois!) et à tous se vanter qu'il avait réclamé rançon de 10 000 piastres que bientôt lui et ses hommes se partageraient, 10 00 piastres qu'il voulait pour rendre à Kradoc'h le marquis et nous autres.
Vendre un cadavre 10 000 piastres, je vous dit: ça ne se fait pas entre chrétiens!
Mais nous, Rolande et moi, on disait rien. Comme si on était muets, qu'on faisait.
Un bon matin, on nous a pris de là où on croupissait, et on les a vus, ces pirates, tous bien armés et prêts au Stourm, l’œil torve chacun, pour sûr, ils l'avaient, mais pas rassurés: des flatulences, ils avaient. Les trippes au bord des chausses, je vous dit, Messires!
Et hopala! Deux chaloupes à la mer, et nous, dedans une, où il y avait tout ricanant jaune ce suppôt de Satan qu'est le morveux batave. On a vu l'une d'elle s'en aller vers un îlot à tribord, y débarquer son lot de gens de mer. Et puis, la nôtre, à l'îlot voisin, débarquer aussi, elle est allée.
De là où j'étions avec Rolande, on les voyait se préparer. Un moment après, la Marie Morgane, elle est arrivée, et ce beau navire portant haut le Kroazh Du, il s'est immobilisé... Puis, une chaloupe, elle a mis à la mer, avec un bleu pavillon... Et Vent de Gueux qui s’excitait "Goedendamen Goed!" Qu'i' disait en rebondissant comme korrigan en foire sur sa cagneuse guibole... "Nous allons les tout tuer s'ils ne veulent payer!", et de rajouter en hoquetant tellement même lui, il savait dire netra "ou s'ils le veulent bien!" que ça veut dire en Hollandois, il nous a dit!
Sûr, ses intentions étaient mauvaises, il disait: "et là, i' vient, i' vient, i' vient, et là, "bim! bam boum!" le Kouign de la Morue derrière lui s'en vient, pour la prendre à revers, et "hopla" on la coule pendant que le bon capitaine Kradoc'h, il est tout occupé à venir ici en chaloupe en comptant ses pièces!" ... et Rolande et moi, on a bien vu que sod, ce furlukin, il est tout. Mais on n,a rien dit, rapport au fait qu'ils nous ont tout ligotés et bâillonnés... Ma Doué beniget, on se demandait s'ils allaient nous tuer aussi, le trou du cul fêlant ...
Mais, les hommes restés à bord du Kouign de la Morue, ils avaient rien compris tellement les ordres de leur capitaine, ils étaient tout distrujet et tordus... Alors, ces Genaoueg, ils ont pas attendu le signal qu'on avait oublié de leur donner, et du vent dans leurs voiles, i's ont pris tant... qu'ils se sont fait voir trop tôt.
De là où on nous a mis ensuite, on voyait bien le combat. D'abord, le Kouign, il avait pas de pavillon. Alors, Messire Varia, il a dû se dire: voilà des pirates! Et, il est remonté à bord de sa frégate.
Il est arrivé à la hauteur du
A la toute fin, l’excellent capitaine Kradoc'h a fait tirer une border, juste pour leur faire savoir que maintenant, ça suffit, c'est qui le chef ici, et tout.
Etles autres, ils ont viré bâbord, et se sont engagés dans les hauts fonds où ils ont cassé leur nef. N'est pas marin qui veut, Messires...
Alors, la Marie Morgane, contre le vent, elle s'est mise, et à nouveau, une chaloupe, le capitaine Kradoc'h, ce saint homme que vous voyez devant vous, et quelques marins à lui, en dedans, à souquer, jusqu'à l'îlot où on était tenus...
Et hopala! Le hollandais fila à l'angloise, ses hommes ne prenant même pas le temps de nous égorger, tellement ils avaient mal au fessier de rendre leur tripe de peur.
Et nous fûmes libérés, et saufs, itou. Que le Très Haut remercie le bon capitaine Kradoc'h et son équipage: il nous évita la malemort!
- FriedrichModérateur
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Dim Avr 02 2017, 21:41
Fort de la Roche, 24 juin de 1661
Après avoir accordé audience successivement au Sieur Varia depuis lors tenu à consigne, puis au sieur van de Güe, le Gouverneur de la Place, par ailleurs armateur du dernier et supérieur du second, et désireux de faire venir ce dernier sous pavillon françois, chose déclarée de longue date par son oncle-même avant de se faire fidèle continuateur de ce projet, conduit sous bonne garde van de Güe jusqu'au salon où est provisoirement tenu en grand confort le sieur Varia. Le sieur Cadouan d'Armor, secrétaire du gouverneur est présent, non sans avoir préalablement entendu le témoignage de Lemoin, par ailleurs sujet du sieur Varia, et valant dès lors pour ce qu'il peut être, comme nombre d'autre dans cette affaire où la vérité semble être aussi obscure qu'élastique.
L'affaire dite "de Crooked" se voyant par l'un et l'autre parti fort variablement relaté, le gouverneur tient à dénouer ce différend et rappelle aux protagonistes que lors de cette affaire est reconnu par les deux partis:
- que la Marie Morgane a ouvert le feu sur le Kabeljauw à de nombreuses reprises, sans qu'il lui soit nullement rendu, ni que le Kabeljauw se soit porté à l'encontre de la Marie Morgane
- que la Marie Morgane était venu récupérer trois des gens de Gonave, dont le sieur Varia est gouverneur, ce qui fut fait sans qu'aucune opposition n'y soit faite ni en acte ni parole, bien que l'un des secourus, par ailleurs criminel notoire, le fut à l'état de dépouille rancie.
Outre celà le sieur van de Güe prétend qu'ayant secouru ces gens dérivant en mer suite à quelque vil et tierce action, estimait légitime de s'en voir récompense attribuée; Là où le Sieur Varia, a contrario, accuse le sieur van de Güe de s'être lui même rendu coupable de l'enlèvement de ces gens pour tirer rançon sinon pire traquenard
Ceci rappelé, le Gouverneur, précise qu'il ne compte en rien tenir procès ni se faire juge, sans quoi il couperait l'un et l'autre à demi pour les mettre à raison d'égalité, plantant là, sa tête semblant mieux faite, la moitié haute de van de Güe sur celle basse de Varia semblant du plus d'allant. Ainsi obtiendrait t'il en deux coups de sabre un seul et bien fameux flibustier!
De plus ayant connaissance de l'inimitié entre les deux hommes la canonnade du premier se trouve estimée compréhensible bien que surfaite, tout comme la demande de rétribution du second. Le gouverneur rappelle également que dans cet affaire deux hommes sont passés de vie à trépas, l'un prétendument par l'action du sieur de Güe, et l'autre assurément par l'action du sieur Varia, emporté qu'il fut par un boulet de la Marie Morgane.
En conséquence de quoi, n'étant pas désireux d'employer plus de son temps à cette affaire il demande aux deux capitaines de choisir:
- soit ils se serrent la main sur le champ, faisant promesse de ne point se nuire mutuellement, signant ledit engagement sur le document établi ci-devant par le sieur Cadouan d'Armor.
- soit place leur sera faite sur l'esplanade du fort pour vider la querelle une fois pour toute, de toute autre manière et devant témoins. Auquel cas le duel s'ouvrira sur un coup de pistolet à 20 pas de distance, s'ensuivant si nécessaire de passes d'escrime jusqu'au premier sang.
Le gouverneur précise, qu'en cas désaccord sur la formule choisie, la seconde sera appliquée d'office sans qu'aucune échappatoire ne soit possible.
La parole est aux sieurs van de Güe et Varia.
- VincentLoup vénérable
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Re: Ragots & bobards en direct de la Tortue
Mar Avr 04 2017, 10:10
Mac Donald, faisant étape à la Tortue, ne put que se rendre à l’audience du gouverneur en qualité « d’ami » du sieur Cadouan…
A la fin du discours du gouverneur et peu avant que la foule venue nombreuse, tant l’affaire est sensible, ne se retire. Mc Do pris la parole afin que chacun puisse l’entendre…
« Très estimé gouverneur, étant donné le pavillon anglois de Vanne de Grue, monsieur ne devrait-il pas le pendre haut et court sans aucune sommation ?
N’en s’en est-il point pris, en eaux Fréhençaise, à un si renommé capitaine et par-dessus tout bon catholique ?
Dans ces conditions, c’est s’en prendre au très saint Louis, notre bon Roy, Lui-même!
Le scotteux que je suis de naissance, a à ce jour un pavillon François. Pavillon que je porte avec grand honneur! Entendre dire Monsieur, que la Grue serait dès notre me choque !
Quand sera-t-il de son honneur ? Portera-t-il les couleurs du Roy sans lui porter préjudice et déshonneur ?
Pendez le Monsieur ! Prenez sa fortune comme préjudice à votre affaire et lâchez son navire au plus offrant, ou même mieux, lâchez le comme dédommagement à Kradoch’ ! Il lui fera au moins porter nos couleurs avec honneur ! »
Mc Do n’en revenait pas lui-même de sa prise de paroles, l’assemblée non plus d’ailleurs…arrêter le rhum un tel jour…jamais il ne refera un truc pareil !
Le gouverneur l’a-t-il au moins entendu ?
Néanmoins on pouvait tendre l’oreille, sans grand efforts et entendre quelques chuchotements dans la foule… « A mort » … « Vive le Roy…A mort »… « Qu’on pende la morue»
A la fin du discours du gouverneur et peu avant que la foule venue nombreuse, tant l’affaire est sensible, ne se retire. Mc Do pris la parole afin que chacun puisse l’entendre…
« Très estimé gouverneur, étant donné le pavillon anglois de Vanne de Grue, monsieur ne devrait-il pas le pendre haut et court sans aucune sommation ?
N’en s’en est-il point pris, en eaux Fréhençaise, à un si renommé capitaine et par-dessus tout bon catholique ?
Dans ces conditions, c’est s’en prendre au très saint Louis, notre bon Roy, Lui-même!
Le scotteux que je suis de naissance, a à ce jour un pavillon François. Pavillon que je porte avec grand honneur! Entendre dire Monsieur, que la Grue serait dès notre me choque !
Quand sera-t-il de son honneur ? Portera-t-il les couleurs du Roy sans lui porter préjudice et déshonneur ?
Pendez le Monsieur ! Prenez sa fortune comme préjudice à votre affaire et lâchez son navire au plus offrant, ou même mieux, lâchez le comme dédommagement à Kradoch’ ! Il lui fera au moins porter nos couleurs avec honneur ! »
Mc Do n’en revenait pas lui-même de sa prise de paroles, l’assemblée non plus d’ailleurs…arrêter le rhum un tel jour…jamais il ne refera un truc pareil !
Le gouverneur l’a-t-il au moins entendu ?
Néanmoins on pouvait tendre l’oreille, sans grand efforts et entendre quelques chuchotements dans la foule… « A mort » … « Vive le Roy…A mort »… « Qu’on pende la morue»
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